HISTOIRE
Les Cuma et leur réseau à travers l’histoire
Les Cuma fêteront en 2025 leurs 80 ans. En huit décennies, le mouvement Cuma a connu des hauts et des bas mais a démontré toute son utilité. Retour sur les grandes périodes de l’histoire du réseau Cuma…
Avant
1939
L’entraide entre agriculteurs
L’agriculture française n’est pratiquement pas mécanisée, mais des habitudes d’entraide entre agriculteurs voisins existent depuis très longtemps, notamment pour certains travaux saisonniers. L’apparition de machines importantes (batteuses, machines à labourer à vapeur ou électrique avec treuils) invite à un début d’organisation plus structurée.
La crise économique des années 30 fait découvrir aux agriculteurs l’intérêt de se grouper pour se défendre et s’organiser. Des syndicats de battages* et des coopératives de culture mécanique voient le jour.
*Le battage des grains est l’une des premières opérations agricoles à se mécaniser dans les campagnes du XIXe siècle. Pour réduire les coûts élevés et la main-d’œuvre abondante que nécessitait ce travail éprouvant, réalisé chaque année après les récoltes, de nombreuses innovations et équipements ont vu le jour, au travers de ces syndicats de battage.
1939
1945
L’impulsion des pouvoirs publics
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’agriculture française s’organise pour nourrir le pays : il y a pénurie de matériel et peu de moyens pour en acquérir.
Les pouvoirs publics, et notamment le ministre de l’agriculture de l’époque, François-Tanguy Prigent, militent fortement pour l’utilisation collective du matériel agricole. Il propose la création des Cuma et que celles-ci disposent d’un droit de priorité pour l’acquisition des biens d’équipements agricoles.
Acte de naissance
Est alors créé l’Union Nationale des Cuma (sorte de groupement d’achats de matériel, produits pétroliers et charbon), chargée d’assurer l’approvisionnement en machines agricoles et la Fédération Nationale des Cuma chargée de la défense des intérêts juridiques et moraux des Cuma et de leur représentation.
Les statuts des Cuma sont diffusés dans les campagnes par les Comités départementaux d’action agricole et la Confédération Générale de l’Agriculture.
1945
1951
Les premières années, premier âge d’or
Concrètement, les agriculteurs en Cuma s’appuieront sur le plan Marshall et ses aides pour acquérir du matériel. Leur mission initiale sera de réceptionner les tracteurs livrés par les États-Unis.
En effet, le coût d’achat d’un tracteur reste élevé pour les exploitations familiales aux revenus modestes et son utilisation peine à se justifier sur un domaine cultivable très morcelé. Ce système permet ainsi aux petites et moyennes exploitations d’avoir accès aux premiers tracteurs, une révolution pour l’époque.
Début
années 50
Le désenchantement
Dès le début des années 1950, ces Cuma de circonstance vont peu à peu se dissoudre.
Leur création avait en effet plus été motivée par l’occasion d’acquérir un matériel que par la volonté de coopérer entre agriculteurs.
Les Unions départementales (de Cuma) ont du mal à se mettre en place. Et l’Union Nationale des Cuma est dissoute.
Seules subsisteront les Cuma héritières des syndicats de battage et des réseaux d’entraide préexistants.
À partir de
1954
La renaissance
A partir de 1954, devant le nombre élevé de dissolutions, le modèle est repensé. Les pouvoirs publics tentent d’enrayer la tendance et incitent à la création de nouvelles coopératives par le versement de subventions. Un tissu associatif d’éducation populaire très actif – notamment avec la Jeunesse Agricole Catholique (JAC) accompagne les agriculteurs dans la bonne gestion de leurs coopératives, en inculquant les valeurs d’entraide et de solidarité liées au développement des techniques agricoles.
Les Cuma se réorganisent sur de nouvelles bases. Le nombre d’adhérents nécessaire à la constitution d’une Cuma est ramené de 7 à 4.
Les résultats sont positifs et le nombre de créations de Cuma repart à la hausse.
Années
1960
Une première structuration pérenne
Dans les années 60, les fédérations de Cuma se développent et promeuvent le modèle Cuma en favorisant plus la notion de développement agricole que celle de mécanisation, en responsabilisant les adhérents, en les formant à la gestion et au suivi du matériel, etc.
Une organisation fédérale se met en place. La FNCuma dispose de 15 délégués régionaux. Les fédérations départementales se structurent et s’organisent. Elles embauchent progressivement des conseillers machinisme, des animateurs, des comptables.
Années
1970
De nouvelles pratiques agricoles
Cette période connaît un développement extraordinaire de la productivité agricole encouragé par la PAC, mais très vite dénoncé par le syndicalisme de gauche (paysans-travailleurs) dont bon nombre de ses militants sont membres de Cuma.
Les Cuma sont très souvent le prolongement des Groupes de Développement Agricoles (CETA, GVA) et participent à la mise en place de nouvelles techniques (moisson, ensilage, manutention des pailles et foins, travaux du sol, vendange mécanique).
Par exemple, les Cuma trouvent un nouvel élan à la faveur de la révolution fourragère. Les agriculteurs apprennent à cultiver l’herbe sur des prairies “artificielles”. Comme le volume de fourrage s’est considérablement accru, il a fallu du matériel pour le récolter et le stocker dans de bonnes conditions.
Les cheptels se développent. Les agriculteurs disposent de moins de temps pour les travaux des champs. Les Cuma élargissent l’éventail de leurs prestations à l’épandage des déjections animales et à l’implantation des cultures.
A partir de 1975, les fédérations départementales s’organisent progressivement en fédérations régionales. Le premier mensuel « Entraid’Ouest » voit le jour suivi de trois autres journaux régionaux au sein d’un groupe de presse. Les premiers Salons sont organisés.
1980
1990
Création de nouvelles activités en Cuma
Au début des années 80, les Cuma vont se développer au-delà des activités traditionnelles : drainage, irrigation, diversification des productions (séchage, stockage, abattoirs, conditionnement), travail avec les collectivités locales et l’aménagement de l’espace.
Le réseau Cuma poursuit son développement, organise les premiers événements aux champs (le Salon des Fourrages, en juin 1980 à Châteaubriant, en Loire Atlantique) et informatise la gestion de ses coopératives.
Dans les années 80, les pouvoirs publics redonnent un nouvel élan aux Cuma en leur permettant de bénéficier de prêts bonifiés (MTS) pour acheter du matériel. Ce projet a été mis en place avec la Ministre de l’Agriculture de l’époque, Edith Cresson.
1990
2000
L’ouverture sur la société
Dans les années 90, les Cuma veulent s’affirmer comme un acteur du territoire, ouvert sur le monde rural. Des Cuma s’impliquent dans les circuits courts.
D’autres, en revanche, se rapprochent des communes, pour entretenir le bord des routes ou épandre les boues des stations d’épuration.
Elles deviennent de plus en plus un élément incontournable pour beaucoup d’exploitations qui doivent impérativement réduire leurs charges de production, la réforme de la PAC les positionnent comme outil efficace de réduction des charges.
Les groupes se saisissent de nouvelles questions et initient des projets territoriaux sur l’emploi partagé, la production de bois énergie, le compostage ou la mise en place de petits ateliers de transformation collectifs. En 2006, les Cuma sont habilitées à s’instituer en groupement d’employeurs.
Aujourd’hui
De nombreux défis à relever
Le défi d’une mécanisation plus responsable, les problèmes énergétiques et les défis de l’alimentation repositionnent les Cuma comme des acteurs incontournables de la transition agroécologique, du lien social sur les territoires et de l’innovation.
Aussi, on assiste à une recomposition des formes collectives. Dans ce contexte bien particulier, fait de crise économique et énergétique, d’incertitudes et de doutes sur la politique et le progrès, mais aussi de révolutions technologiques, de besoin de solidarités et d’économie responsable, les Cuma et leur réseau sont amenés à réagir et à se transformer, en clair, encore à innover.
Retrouvez en vidéo, l’histoire des Cuma
A lire : « A l’ombre des machines » de Denis Lefèvre, est le premier livre publié sur le mouvement Cuma depuis que les Cuma existent. Édité à l’occasion du cinquentenaire du mouvement Cuma à Saint-Malo, les 13 et 14 juin 1996, il illustre la longue histoire des solidarités locales.